1/08/2009
 
LA FETE DE LA SAINT DIDIER 
(Souvenirs du vieux Bruyères)
 
Les fêtes étaient importantes 
pour les paysans d’autrefois.
Elles apportaient un peu de gaîté 
et de couleur dans leur vie 
faite de durs labeurs,
où la maladie et la mort 
étaient une réalité quotidienne.
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Quelques moments de détente et de convivialité dans l’année étaient nécessaires
 
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"La saint Didier", c’était la fête patronale qui avait lieu le premier dimanche après le 23 mai. 
Elle commémorait la consécration de l’Eglise au saint patron à laquelle elle était dédiée. Au fil du temps, des coutumes profanes sont venues se mêler aux traditions religieuses du Moyen Âge, et l’Eglise, quoique réticente, les a acceptées. La fête de Bruyères avait lieu dans la partie  la plus ancienne du village, le quartier « Nord ». 

  Le samedi on décorait les maisons de guirlandes et de fleurs en papier. Dans la soirée, les jeunes gens allaient poser les « bouchons » de sapin et de paille piqués de fleurs à la devanture des cafés ; au début du XXè siècle, il y  avait 11 cafés : 9 à Bruyères, 1 à Verville et 1 à Arpenty. Le patron leur servait un verre et la tournée se terminait joyeusement. La fête foraine s’installait, avec les baraques, les jeux, les attractions. 

  Le dimanche matin, les jeunes gens assistaient à la messe dominicale. Dans une procession avec la bannière de saint Didier, ils apportaient à l’église une pyramide de brioches piquées de fleurs. Elles étaient confectionnées et offertes par le boulanger du village. Ces pâtisseries en forme de couronnes étaient bénies au moment de l’offertoire. Une ou deux grosses brioches était partagées entre les paroissiens après la communion. 

  A la sortie de la messe, un cortège se formait . Il était précédé d’un musicien, souvent un violoniste. Toute cette jeunesse offrait une brioche d’abord à M le Curé, à M le Maire, au Maître d’Ecole, et aux notables.  Puis on passait dans chaque maison. Chacun payait généreusement son écot. Les jeunes filles étaient invitées à venir au bal du soir. La tournée occupait une partie de l’après-midi. Avec l’argent récolté, un repas et une petite fête étaient organisés le lundi soir entre copains, pour s’amuser ensemble sans tenir compte du milieu social auquel on appartenait. Un rapprochement bien sympathique. 

  Le repas familial du dimanche à midi était particulièrement soigné. Dans la perspective de la fête, on avait cultivé dans le jardin, à l’abri : des asperges, des petits pois, des carottes et navets nouveaux, et des pommes de terre, pour mitonner une printanière de légumes. On l’accompagnait d’une épaule ou d’un gigot d’agneau. Le repas était arrosé du vin de la région.. Comme dessert, on dégustait les premières fraises mûries sous châssis. On terminait par une bonne « goutte ». Toutes la famille était réunie, les cousins des autres communes étaient invités au festin. 

  Les jeunes filles avaient étrenné leur robe d’été le dimanche de Pâques, même s’il avait fait froid.  La fête foraine était l’occasion de montrer les belles toilettes.  Ma mère adorait les balançoires, celles en forme de barque. Elle s’en donnait à cœur joie pendant les deux jours de la fête. Avec un autre garçon, c’était à qui irait le plus haut.  Il est arrivé bien des fois que la  robe se prenne dans le frein du manège et que le tissu soit « tout mâchonné ». Pour ma tante, la sœur de ma mère, son plaisir c’était les promenades à âne. Quand il pleuvait, il arrivait que le velours rouge de la selle du baudet déteigne sur la jupe neuve de ma tante... 

  Le soir,  les jeunes filles d’âge à marier se rendaient au bal, qui se tenait sous une rotonde, soit sur la place Verte, soit sur la place du Carrefour. On dansait sur un plancher, autour duquel étaient disposés des bancs où les mères s’installaient sous une montagne de vêtements. Elles veillaient au grain. Les danseurs se devaient d’être corrects et respectueux envers les demoiselles, en allant les inviter à leurs places et en les reconduisant à la fin. On dansait la polka, la mazurka, la valse, le quadrille des lanciers, le pas des patineurs. On s’amusait bien, sauf quand les gars d’Arpajon venaient troubler la fête en essayant de séduire les Bruyèroises. Alors cela dégénérait en bagarres et les garçons allaient s’expliquer à l’extérieur. 

  Le lundi, personne ne travaillait. Le bal de l’après-midi était réservé aux couples mariés. 

  Le mardi, on bavardait sur les évènements de la fête. Les langues étaient déliées. Les critiques sur le comportement des autres étaient sans pitié, il y en avait pour tout le monde. Nos anciens n’étaient guère charitables ! 

  Après 1945, les fêtes ont repris avec le retour des prisonniers de guerre. Les coutumes ont changé, l’attraction du dimanche après-midi s’est étendue à tout le village avec un corso fleuri. L’intérêt des jeunes pour préparer la fête s’est émoussé et il ne reste plus de nos jours que des attractions modernes pour les enfants. 

        Monique Berhuy