14-09-2009
 
BRUYERES AUTREFOIS... 
 
 
L’hiver
.
Bien entendu, les enlumineurs des 
« Très Riches Heures du Duc de Berry », 
n’ont pas spécialement représenté Bruyères.
.
Mais nous retrouvons dans cette scène 
la vie des paysans franciliens, 
par temps de neige, en février, 
« le mois le plus court et le plus dur »... 
.
La vie à la campagne n’a guère changé 
depuis cette époque jusqu’au début du XXème siècle.
 
 
Pour mieux observer ce qui se passe dans la maison, elle a été privée de son mur de façade. Une femme vêtue de bleu et portant un caleçon, soulève sa robe devant l’âtre dont on aperçoit la flamme à gauche. C’était la coutume de se chauffer ainsi autrefois, on appelait cela «faire chapelle». On «grillait» devant, on « gelait » derrière. Pour se garantir des courants d’air, on disposait un drap sur le dossier des chaises alignées devant le feu. Un chat blanc est couché aux pieds de la dame. Deux autres personnages, probablement des serviteurs, se trouvent au second plan et profitent de la chaleur ; on s’aperçoit…que le slip n’était pas encore inventé ! Au fond on distingue un lit et du linge suspendu. 

La ferme est entourée d’une clôture en osier, le «plessis», avec une porte sur le côté. Une femme emmitouflée dans sa houppelande rejoint la maison en soufflant sur ses doigts pour les dégourdir.  Les brebis se tiennent chaud mutuellement dans la bergerie, dont le toit a perdu quelques tuiles, un mouton passe la tête par une brèche. Derrière la maison se trouvent des tonneaux et des fagots de bois. Sur la droite, une charrette et quatre ruches.  Les paysans élevaient des abeilles pour remplacer le sucre (de canne) qui était rare et d’un prix élevé. Dehors, les hommes s’affairent aux travaux de saison. L’un va porter du blé à moudre au moulin à vent avec son âne. Il porte sur la tête un sac plié en deux pour former un capuchon. Au loin, on aperçoit un village avec son clocher.  L’autre homme abat un arbre, c’est le bon moment avant la montée de la sève, ainsi le bois pour l’hiver prochain se conservera mieux et sera indemne d’insectes. La meule de foin est la réserve de nourriture pour les brebis. 

Un pigeonnier sur la droite permet de penser qu’il s’agit de la ferme d’un seigneur étant donné que l’élevage des pigeons était réservé aux châtelains durant le moyen-âge. Les pigeons sont en train de picorer dans la cour de la ferme. 

Au sommet le zodiaque avec les signes des poissons et du verseau, et le char du temps qui avance inexorablement dans le ciel étoilé. 

Cette miniature donne une impression d’opulence et de sérénité. C’est le repos après les durs travaux des champs. Certains situent sa date aux alentours de 1438-1442, et son exécution par un peintre anonyme à la cour du roi Charles VII, alors que d’autres l’attribuent aux Frères de Limbourg et la datent aux environs de 1416. On connaît peu de chose sur la vie des enlumineurs médiévaux, dont les talents sont incontestables, mais qui étaient discrets et devaient bénéficier de la protection d’un mécène pour vivre de leur art. 

Monique Berhuy